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[DIGITAL Business Africa] – Invité par l’Assemblée des régulateurs télécoms de l’Afrique centrale (ARTAC) à la 8e session de la conférence des régulateurs de l’ARTAC, Abdoul Karim Sall, le DG de l’Autorité de régulation des Postes et Télécommunications (ARTP) du Sénégal, a partagé son expérience de régulation avec les régulateurs télécoms d’Afrique centrale. Lui qui a été deux fois directeur général de l’Autorité de régulation des télécommunications et des postes (ARTP). De 2014 à 2019 et à nouveau DG de l’ARTP depuis le 02 février 2023.
En effet, la 8e session ordinaire de la Conférence des Régulateurs de l’ARTAC se tient à Kinshasa en RD Congo sous le thème : « Autonomisation des agences de régulation des Télécoms : enjeux, défis et perspectives ». Une thématique qui passionne Abdoul Karim Sall.
Louis Marc Sakala, le président de l’ARTAC, par ailleurs DG de l’ARPCE (l’Agence de régulation des postes et des communications électroniques du Congo Brazzaville), a donc choisi comme invité d’honneur le DG de l’ARPT Sénégal. Afin qu’il partage avec les régulateurs présents son expérience.
Pour régulateur sénégalais, il n’est pas question que les départements ministériels interfèrent dans les décisions des régulateurs télécoms. Il faut donc être autonome et indépendant. Et cela passe par la loi portant organisation du régulateur télécoms.
Au Sénégal, l’ARTP est une autorité administrative indépendante placée sous l’autorité de la Présidence de la République. Pour y arriver le chemin a été long. Le Sénégal est passé par plusieurs étapes.
Chemin vers l’autonomisation
Le DG explique qu’en 2002, la première loi créée l’ART, l’Agence de régulations des télécommunications. C’était une entité publique sous-tutelle du ministère des Postes et Télécommunications. En 2006, une nouvelle loi ajoute les Postes à l’ART. Ce qui fait l’Agence de régulations des télécommunications et des postes (ARTP).
2011, nouvelle refonte de la loi qui fait de l’ARTP une autorité administrative indépendante placée sous l’autorité du président de la République. En 2018, une nouvelle loi est promulguée et maintient ces dispositions. Ceci après moult tractations, un entregent pro-actif et une vigilance accrue.
« Lors de la préparation de la loi de 2018, raconte Abdoul Karim Sall DG à l’époque, les experts du ministère des Postes et Télécommunications ont travaillé avec ceux de l’autorité de régulation pour la première mouture de la loi. Nous avions gardé la disposition selon laquelle l’Autorité de régulation des télécommunications et des Postes est une autorité administrative indépendante avec ancrage au niveau de la Présidence de la République ».
L’ARPT, rappelle-il, est constitué de deux entités : la direction générale et le collège de régulation doté d’un président et de sept membres. Le collège aide à valider ou à approuver les propositions de la direction générale.
« La proposition faite mentionnait donc que l’Autorité administrative indépendante est placée sous la responsabilité de la Présidence de la République. Mais, avant que le texte n’arrive à l’Assemblée nationale, il a subi quelques modifications. Il avait été proposé que l’ARTP soit rattachée au ministère du secteur », poursuit le DG de l’ARTP qui récuse d’ailleurs l’appellation « ministère de tutelle ». Il préfère l’adoption de l’appellation « ministère du secteur ». « Parce que le ministère des Postes et Télécommunications n’est pas forcément le ministère de tutelle », pense-t-il.
« Quand le texte est passé en commission, j’ai entendu qu’il y a une disposition qui rattache l’ARTP au ministère. Aussitôt, j’ai informé la plus haute autorité qui a demandé que le texte soit retiré (de l’Assemblée nationale, Ndlr). Le texte a donc été retiré et il a été réintroduit la disposition qui nous laisse rattaché à la Présidence de la République. Cela parce que nous avons été très vigilants », raconte Abdoul Karim Sall.
D’après le DG, le ministère du secteur doit s’occuper de la réglementation et la régulation doit revenir à l’autorité de régulation. « Il ne doit pas avoir une quelconque ingérence du ministère sur les décisions de l’autorité de régulation », martèle-t-il. Comme avantage, dit-il, cela a permis à l’ARPT d’avoir des coudées franches.
L’autre recette de l’autonomisation
Le DG a profité de son partage d’expérience pour donner sa recette sur la thématique de la session de l’ARTAC. A savoir, l’autonomisation et l’indépendance des autorités de régulation.
« Ma position est sans équivoque. On ne peut pas parler d’autonomisation et d’indépendance des autorités de régulation si on n’a pas deux choses : l’autonomie financière et l’absence de tutelle gouvernementale. Quand on est sous tutelle, l’autonomie et l’indépendance ne sont pas garantie », a-t-il soutenu.
Pour lui, le régulateur télécoms ne doit pas dépendre du budget de l’État. « Nous avons des ressources. Notamment, la taxe de régulation que les opérateurs du secteur doivent payer aux autorités de régulation. C’est la première ressource des autorités de régulation. Après viennent les taxes sur les numéros, etc. », affirme-t-il.
Plus encore, le DG de l’ARTP du Sénégal conseille de prévoir un traitement salarial intéressant pour les régulateurs. « Le traitement salarial de ceux qui sont à la tête des autorités de régulation et des cadres doit être considérable. Cela pour éviter la corruption et l’évasion vers les opérateurs. Parce que si nous payons mal les cadres des autorités de régulation, les opérateurs privés vont capter nos ressources. Et quand les ressources sont captées, c’est la mémoire des autorités de régulation qui se déplace chez les opérateurs. Avec les conséquences que vous connaissez tous. Ils doivent avoir des salaires supérieurs à ceux des cadres des opérateurs télécoms », suggère-t-il.
Abdoul Karim Sall indique par ailleurs que normalement, il n’est pas autorisé aux membres du collège de régulation ou aux cadres des autorités de régulation, après leur fonction, d’aller travailler chez les opérateurs télécoms. Ils doivent le faire au moins cinq ans après pour marquer une rupture.
Le DG de l’ARTP termine sa série de propositions par la nécessité de former les acteurs de la justice sur les problématiques du secteur télécoms et numérique. Une formation que les autorités de régulation doivent animer pour éviter des décisions de justice non équitables. Des propositions qui probablement ne seront pas faciles à mettre en œuvre quand on n’a pas l’entregent nécessaire et des coudées franches au sommet de l’État.
Par Beaugas – Orain DJOYUM, à Kinshasa
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