[DIGITAL Business Africa] – La réglementation sur la protection des données personnelles au Cameroun est la problématique qui est revenue dans la plupart des discussions et dans la majorité des panels lors des journées scientifiques du Comité national économique et financier (CNEF) sur l’économique numérique.
D’abord, la ministre des Postes et Télécommunications, Minette Libom Li Likeng. Dès la cérémonie d’ouverture, elle a indiqué qu’il faut encourager l’inclusion financière en rendant les services accessibles dans les zones les plus reculées du Cameroun, où les infrastructures bancaires traditionnelles sont souvent absentes ou insuffisantes.
Et pour cela, affirme la ministre, il est essentiel d’encourager le développement de technologies numériques innovantes telles que l’IA et l’Open Banking, tout en assurant leur intégration harmonieuse avec les systèmes existants. Ce qui nécessite la mise en place de partenariats stratégiques entre le gouvernement, les institutions internationales, le secteur privé, les institutions financières et les acteurs technologiques. Tous doivent être en relation en respectant les textes et les règlements. Et c’est ici que se pose la problématique de la réglementation.
« La surveillance et la régulation adaptative sont toutes aussi cruciales pour soutenir l’innovation tout en protégeant les utilisateurs et la stabilité du système financier. Pour y parvenir, le Gouvernement devra veiller à l’actualisation régulière des cadres réglementaires pour refléter les avancées technologiques et les nouvelles réalités du marché, garantissant ainsi un environnement sûr et propice à l’innovation », affirme la ministre.
« Il devient impératif de mettre en place des normes strictes ».
Aussi, la ministre reconnaît que l’adoption croissante de technologies telles que l’IA et l’Open Banking soulève d’importants enjeux en matière de sécurité des données et de conformité réglementaire.
« La sécurité des données personnelles et financières est dès lors primordiale, surtout à une époque où les cyberattaques deviennent de plus en plus sophistiquées. Il devient donc impératif de mettre en place des normes strictes de sécurité informatique et de protection des données pour protéger les consommateurs et maintenir leur confiance dans le système financier », déclare la ministre.
Mais au Cameroun, la loi sur la protection des données personnelles est encore en chantier depuis des années et n’a toujours pas été votée à l’Assemblée nationale, ni promulguée par le Président de la République.
Toutefois, la ministre des Postes et Télécommunications ne désespère pas. Elle reconnaît que la mise en place d’une réglementation adaptée joue un rôle crucial. Minette Libom Li Likeng se dit convaincue que le Programme d’accélération de la transformation numérique du Cameroun (PATNUC), dont la première composante réglementaire consiste à actualiser et harmoniser le cadre législatif et réglementaire, trouvera une solution dans l’accélération de « la mise à jour de la réglementation nationale avec les standards internationaux, permettant ainsi une meilleure intégration du Cameroun dans l’économie numérique mondiale ».
Autre point important et non des moindres, le renforcement de la régulation intersectorielle. Pour Minette Libom Li Likeng, cette corégulation permet de coordonner efficacement les efforts de surveillance et de régulation entre différents secteurs, notamment les finances, les télécommunications, et la technologie.
Ce qui va en même temps, explique la ministre, assurer une cohérence dans l’application des normes de sécurité et de protection des données, cruciale pour contrer les risques associés à l’interconnexion croissante des services numériques.
« Cette approche globale, non seulement protège les consommateurs, mais renforce également la confiance internationale dans l’écosystème financier numérique du Cameroun », déclare la ministre.
« Les données sur la clientèle sont aujourd’hui une mine d’or »
Le ministre des Finances, Louis-Paul Motaze, pour sa part, abonde dans le même sens avec plus d’insistance. Pour lui, « les données sur la clientèle sont aujourd’hui une mine d’or, mais leur partage expose les clients à des risques tels que les attaques malveillantes, ou encore, le piratage des comptes bancaires et des comptes électroniques ». « Dans la même veine, explique le ministre, la généralisation de l’utilisation des technologies innovantes dans le secteur financier encourage des comportements spéculatifs pouvant perturber le système financier et déboucher sur des crises. »
Le ministre Louis-Paul Motaze rappelle qu’en sa qualité de président du Comité national économique et financier, il a lancé il y a quelques semaines la Stratégie nationale de développement du secteur financier (SNDSF) pour la période 2024-2030. Il affirme que parmi les facteurs clés de la réussite de cette stratégie figurent l’amélioration du cadre réglementaire et la libération de la concurrence entre les services financiers numériques et les autres services financiers innovants.
De son côté, la Banque centrale des États de l’Afrique centrale n’a pas manqué, lors d’un débat, de rassurer les participants. Et c’est Armand Lengue de la Béac qui a affirmé que « la Banque centrale a pris une légère avance sur la protection des données personnelles ».
« Mme Koukoua doit être au courant de l’ensemble des conditions et du dispositif à mettre en place sur l’infrastructure informatique et sur la réglementation avant d’obtenir les autorisations nécessaires par les opérateurs de téléphonie mobile pour effectuer les transferts et paiements mobiles. Ces conditions et dispositions sont vérifiées par la Béac pour éviter certains abus. Pour rassurer les participants, la Banque centrale Pour rassurer les participants, la Banque centrale a mis au cœur de son dispositif le respect des conditions sur les données personnelles pour éviter que la clientèle soit exposée », a-t-il rassuré.
De l’urgence de la mise en place d’une loi sur la protection des données personnelles
Pour Beaugas Orain Djoyum, DG du cabinet de veille stratégique et d’e-réputation ICT Media STRATEGIES, le Cameroun a déjà pris un retard important en matière de réglementation sur les données personnelles et a besoin d’accélérer son processus de réglementation et de mise en place des institutions appropriées.
« Ces différents débats qui reviennent tous sur la nécessité de mettre en place une loi sur la protection des données personnelles au Cameroun démontrent l’urgence qu’il y a à voter cette loi à l’Assemblée nationale et à la promulguer. Car au-delà des dispositions sur la protection des données personnelles des utilisateurs, il y a des organes qui doivent être mis en place pour assurer le respect de cette loi. Et si l’on s’en tient aux expériences des autres institutions numériques mises en place par la loi, le temps de leur mise en place va également être long. Or, comme indiqué plus haut, les données personnelles valent de l’or. Plus le temps passe, plus nous perdons. De plus, il y a des possibilités de cyberattaques et d’exposition des données des usagers. À ce jour, fort des expériences de nombreux pays africains en la matière, on peut aller plus vite. Le Cameroun gagnerait à mettre en place rapidement sa réglementation sur les données personnelles. Le pays dispose des moyens pour cela et les ressources humaines en cette matière sont disponibles pour accompagner le Cameroun», plaide Beaugas Orain DJOYUM.
En rappel, ces Journées scientifiques de la CNEF sur l’économie numérique qui s’achèvent ce jour sont organisées sur le thème : « Transformations du système financier par les innovations digitales : enjeux et perspectives pour le Cameroun ».
Par Digital Business Africa