Frère Hounvi écroué au Bénin

[DIGITAL Business Africa] – Le chroniqueur béninois Steve Amoussou, plus connu sous le pseudonyme de Frère Hounvi, a été placé en détention provisoire ce mardi 20 août 2024. Au terme de son audition à la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (CRIET), les médias béninois rapportent que trois chefs d’accusation ont été retenus contre lui : harcèlement par le biais d’un système électronique, incitation à la rébellion et injures.

Arrêté le 12 août dernier à Lomé, au Togo, où il s’était réfugié, Frère Hounvi a été extradé vers le Bénin. Son arrestation, qualifiée de « kidnapping » par l’opposition, a suscité une vive polémique et des appels à sa libération.

Les autorités béninoises reprochent à l’activiste d’avoir mené une campagne de déstabilisation en ligne et d’avoir incité à la violence. Son procès s’ouvrira le 7 octobre prochain devant la CRIET.

Selon l’article 553 du Code du numérique du Bénin, l’incitation à la rébellion est fortement sanctionnée. « La provocation directe à la rébellion au moyen d’un ou sur un réseau de communication électronique ou un système informatique est punie de six (06) mois d’emprisonnement et de deux millions (2 000 000) à dix millions (10 000 000) de francs CFA d’amende”, précise le code.

Pour ce qui est de l’injure, l’Article 558 du code numérique précise qu’une personne qui commet une infraction de presse, notamment une diffamation, une injure publique, une apologie de crime, par le biais d’un moyen de communication électronique public, est punie des mêmes peines que celles prévues par la loi n° 2015-07 du 20 mars 2015 portant code de l’information et de la communication en vigueur, quel qu’en soit le support.

L’article 272 de cette loi stipule que « toute expression outrageante, tous termes de mépris ou d’invectives qui ne renferment I ‘imputation d’aucun fait, est une injure. L’injure commise par les mêmes moyens envers les corps ou les personnes désignés par les articles 269 et 27O de la présente loi, sera punie d’une amende de un million (1 000 000) à cinq millions (5 000 000) de francs CFA ».

Pour ce qui est du harcèlement par le biais d’une communication électronique, l’article 550 du Code du numérique stipule que quiconque initie une communication électronique qui contraint, intimide, harcèle ou provoque une détresse émotionnelle chez une personne, en utilisant un système informatique dans le but d’encourager un comportement grave, répété et hostile est puni d’une peine d’emprisonnement de un (01) mois à deux (02) ans et d’une amende de cinq cent mille (500 000) francs CFA à dix millions (10 000 000) de francs CFA, ou de l’une de ces deux peines seulement.

Par ailleurs, quiconque aura harcelé, par le biais d’une communication électronique, une personne alors qu’il savait ou aurait dû savoir qu’il affecterait gravement par ce comportement la tranquillité de la personne visée, est puni d’une peine d’emprisonnement de un (01) mois à deux (02) ans et d’une amende de cinq cent mille (500 000) francs CFA à dix millions (10 000 000) de FCFA, ou de l’une de ces deux peines seulement.

Le même article 550 du Code du numérique précise que quiconque initie ou relaie une fausse information contre une personne par le biais des réseaux sociaux ou toute forme de support électronique est puni d’une peine d’emprisonnement d’un (01) mois à six (06) mois et d’une amende de cinq cent mille (500 000) francs CFA à un million (1 000 000) de francs CFA, ou de l’une de ces peines seulement.

De ce qui précède et considérant les trois chefs d’inculpation retenus contre lui, l’on peut supposer que si le juge est sévère, Frère Hounvi risque jusqu’à 25 millions de francs Cfa d’amendes et deux ans et demi de prison.  Son procès qui s’ouvrira le 07 octobre 2024 devant la CRIET nous en dira plus.

Frère Hounvi, de son vrai nom Steve Amoussou, est une figure marquante de l’activisme numérique au Bénin. Connu pour ses chroniques souvent critiques à l’égard du pouvoir en place, il a acquis une certaine notoriété grâce à ses prises de position souvent virulentes sur les réseaux sociaux. Ses propos, souvent perçus comme provocateurs suscitent de nombreuses réactions, tant positives que négatives.

Par Digital Business Africa, B-O.D.

La déclaration de l’Ordre des avocats du Bénin au sujet de cette arrestation

L’Ordre des Avocats du Bénin a appris de diverses sources, notamment par voie de presse, que Monsieur Steve AMOUSSOU, résidant à Lomé, République du Togo, a été interpellé à proximité de son lieu de résidence dans la nuit du 12 au 13 août 2024 puis conduit à Cotonou.

Les Avocats qui l’assistent devant les services béninois de la police judiciaire rapportent à la presse les circonstances de l’interpellation de Monsieur Steve AMOUSSOU, telles que l’intéressé-même les leur auraient exposées.

Il ressort de cet exposé que Monsieur Steve AMOUSSOU a été appréhendé nuitamment, dans le voisinage de son domicile à Lomé, puis embarqué manu militari dans un véhicule par des personnes qui ne lui ont pas révélé leur identité. Le véhicule et ses occupants sont arrivés en territoire béninois où Monsieur Steve AMOUSSOU a été remis entre les mains de la police.

L’Ordre des Avocats du Bénin apprend par la suite que Monsieur Steve AMOUSSOU est entre les mains de l’Office Central de Répression de la Cybercriminalité, qui l’a placé en garde à vue en attendant sa présentation prochaine au Procureur Spécial près la Cour de Répression des Infractions Economiques et du Terrorisme.

S’il est admis que, dans un Etat de droit, nul n’est au-dessus de la loi et que toute violation y afférente mérite d’être réprimée, il est tout aussi prescrit, voire exigé, que les modalités de poursuite et de répression des infractions y soient strictement conformes.

Aussi, lorsque des indices graves et concordants conduisent l’autorité habilitée, en l’occurrence le Procureur de la République, à décider de la mise en mouvement de l’action publique contre un citoyen, les principes généraux régissant la procédure pénale sont très précis en la matière.

Pour les besoins de la poursuite de l’infraction, les textes prescrivent que l’Officier de police judiciaire adresse une convocation à la personne mise en cause.

Si l’intéressé ne répond pas à la convocation, l’Officier de police judiciaire doit s’adresser au Procureur de la République qui prendra les dispositions requises afin que soit délivré contre celui-ci, selon le cas, un mandat de comparution, un mandat d’amener ou un mandat
d’arrêt.

Dans le cas de Monsieur Steve AMOUSSOU qui réside hors du territoire national, il nous semble que la meilleure modalité de le faire comparaître devant les autorités judiciaires du Bénin eût consisté à décerner à son encontre un mandat d’arrêt.

Le cas échéant, les autorités judiciaires de son pays de résidence, en l’occurrence le Togo, auraient été mises à contribution à l’effet de l’interpeller puis d’organiser son transfert au Bénin.

Mais les informations qui sont parvenues à l’Ordre des Avocats du Bénin renseignent que, les règles régissant la poursuite pénale, en la circonstance, n’ont pas été respectées. Cela nous interpelle tous et pour cause !

La Constitution de la République du Bénin, en ses articles 8 et 18, prescrit le caractère sacré de la personne humaine et son inviolabilité, tout comme la prohibition de la torture, des sévices, des traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Tout ce qui est rapporté de ce qu’a subi Monsieur Steve AMOUSSOU et qui n’est, à ce jour, pas encore démenti par quelque autorité publique du Bénin, est très inquiétant.

C’est pourquoi l’Ordre des Avocats du Bénin, qui concourt au service public de la justice, s’inquiète puis s’interroge sur cette violation flagrante des normes juridiques en vigueur dans notre pays.

Il appelle les autorités en charge de la police judiciaire et de la poursuite pénale à plus de retenue dans leurs actes qui doivent être, à tous égards et à chaque instant, respectueux de la loi et de la personne humaine.

Jusqu’à nouvel ordre, Monsieur Steve AMOUSSOU est présumé innocent tant que sa culpabilité n’aura pas été légalement établie des suites d’un procès public et équitable, dans le strict respect de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples.

C’est pourquoi l’Ordre des Avocats du Bénin, préoccupé par cette situation, invite les autorités de poursuite judiciaire à faire preuve de lucidité, en se comportant comme de vrais professionnels uniquement guidés par le respect scrupuleux de nos lois, pour la garantie de la démocratie et de l’État de droit.

Cotonou, le 20 août 2024

(é) Le bâtonnier,

Angelo Aimé Houkpatin