[Digital Business Africa] – C’est un DG simple, relax et sans grand protocole qui nous a reçu ce 21 octobre 2024 à 15 h dans son somptueux bureau de l’immeuble d’Orange au quartier Akwa à Douala. Le Dr Patrick Benon devait au préalable évoquer avec Digital Business Africa les défis de l’amélioration de la qualité des services de communications électroniques d’Orange Cameroun.
Mais nous avons profité de cet entretien pour évoquer les challenges et secrets de réussite et de management de cet ingénieur télécoms titulaire d’un doctorat de l’École nationale supérieure des télécommunications de Paris (Telecom Paris) qui a occupé divers postes de management de haut rang. D’abord, comme DG dans son pays d’origine chez Benin Telecoms SA de juin 2007 à juillet 2011.
Le natif du Bénin avait été nommé à ce poste à l’âge de 29 ans après avoir passé dix mois comme DGA. Ensuite, Patrick Benon démissionnera de Benin Telecoms SA quatre ans plus tard, débauché par le groupe Orange. Le groupe français lui confie la direction générale de sa filiale centrafricaine. Il y restera trois ans avec un bilan éloquent, car il réussit à faire renaitre de ses cendres Orange RCA.
En 2014, il rejoint Orange Botswana comme DG et y reste jusqu’en 2021 avant de rejoindre le Cameroun. Car, c’est le 27 juillet 2021 qu’il est nommé CEO d’Orange Cameroun.
Entretien donc de Digital Business Africa avec cet ancien de Schlumberger et d’Accenture qui totalise plus de 17 ans d’expérience dans le management des entreprises de télécommunications en Afrique et qui a l’art de la transformation des entreprises.
Digital Business Africa : Bonjour DG et merci de nous recevoir dans votre bureau ici à Douala. Commençons cet entretien par ce qui fait l’actualité. La qualité de service de vos communications électroniques. La ministre des Postes et Télécommunications, Mme Minette Libom Li Likeng et le directeur général de l’Agence de régulation des télécommunications, le Pr Philémon Zoo Zame, ont récemment effectué des visites à Orange et chez d’autres telcos pour vous demander de mettre un accent sur l’amélioration de cette qualité de service qui n’est pas optimale. Pourtant, nous avons noté que l’expérience client fait partie de vos priorités. Force est de constater qu’il y a beaucoup de plaintes relatives à cette qualité de votre réseau. Comment expliquez-vous cette situation et quelles solutions comptez-vous y apporter ?
Dr Patrick BENON : Merci beaucoup. Je vais tout d’abord commencer par vous souhaiter la bienvenue à Orange Cameroun. J’ai l’occasion personnellement de lire très souvent vos articles sur les TIC, les Télécoms et le numérique en Afrique. Sur Digital Business Africa, je retrouve surtout l’actualité africaine du secteur du numérique. Et d’ailleurs, je me suis posé la question plusieurs fois de savoir dans quel pays vous êtes vraiment basé.
Digital Business Africa : Nous sommes basés à Yaoundé au Cameroun. Avec des correspondants dans plusieurs pays francophones de l’Afrique centrale et de l’ Afrique de l’Ouest. En Afrique du Nord, nous avons simplement des pigistes.
Dr Patrick BENON : Oui, parce qu’effectivement, je vois une actualité africaine très globale sur vos plateformes. Donc, BRAVO ! Et merci pour tout ce que vous faites.
Sur la question de la qualité des services, effectivement, c’est un point qui préoccupe nos clients, qui préoccupe les autorités et évidemment qui nous préoccupe nous aussi au plus haut point. Quand on parle de qualité de service. C’est vraiment notre raison d’être. Notre raison d’être est de fournir des services de qualité aux clients. C’est l’expérience de nos clients qui compte. Et donc, évidemment, nous sommes très mobilisés à tous les niveaux pour régler ce problème de qualité du service.
Déjà, l’expérience client est clairement notre raison d’être. Nous traitons cela avec le plus haut niveau de priorité et d’exigence. Quand on parle de qualité de service, il y a trois axes principaux qui rentrent en jeu. Premièrement, la qualité du réseau, qui est un aspect. Deuxièmement, il y a tout ce qui est offres et services. Et troisièmement, il y a la question de la prise en charge des plaintes des clients.
La qualité du réseau est une préoccupation majeure de nos clients et des autorités. Nous avons effectivement reçu la visite de madame la ministre des Postes et Télécommunications, Mme Minette Libom Li Likeng, à notre siège de Douala en début octobre 2024. Cette visite a succédé à celle du directeur général de l’Agence de régulation des télécommunications, le Pr Philémon Zoo Zame, dans nos locaux, qui avait également exprimé ses vives préoccupations. Cela montre l’engagement des autorités à trouver des solutions face aux difficultés actuelles. Nous avons pris bonne note des directives reçues lors de ces visites. Nous allons respecter scrupuleusement les engagements que nous avons pris.
Nous avons démarré cette année un vaste et ambitieux programme de modernisation du réseau. Il s’agit de renouveler et renforcer nos équipements sur tout le territoire camerounais. C’est un plan inédit par son ampleur, qui va permettre une forte amélioration de la qualité.
La première phase de modernisation a été bouclée à Yaoundé et Douala. Une deuxième phase est en cours, et nous notons déjà une forte amélioration des indicateurs techniques qui mesurent la qualité du réseau. Certes, je suis conscient que dans des zones bien précises, nous avons encore du travail à faire pour que cette amélioration soit perçue par tous nos clients.
Après Yaoundé et Douala, nous allons moderniser toutes les villes du Cameroun, avant d’aller enfin dans les zones rurales qui seront également modernisées. Il s’agira de fournir les technologies de pointe à tout le monde, notamment la 4G de qualité, et de se préparer à lancer la 5G.
Concernant les offres et services, nous analysons de façon très détaillée les plaintes des clients qui nous permettent de mettre en œuvre des actions proactives ou correctives. L’indice de plainte est l’indicateur principal que nous suivons, avec une batterie d’actions qui sont mises en place pour le faire baisser, et par là réduire le nombre de plaintes.
Concernant la prise en charge des clients, nous travaillons sur tous les canaux de contacts avec les clients : call centers, boutiques, robots, digital assisté à travers nos applications et les réseaux sociaux. Un vaste programme de transformation omnicanal nous permet d’améliorer progressivement le taux de satisfaction client.
Digital Business Africa : Ce qui n’empêche pas les plaintes des clients et les autorités vous demandent de faire mieux…
Dr Patrick BENON : Nous avons expliqué au ministre et au DG tout ce que nous avons déployé comme moyens. Et nous avons déployé beaucoup de choses ces derniers mois comme je l’ai indiqué avec ce véritable projet de modernisation de tout notre réseau. C’est vraiment un projet massif. Je crois que c’est la première fois depuis l’existence de la société qu’on fait un programme aussi massif que le simple renouvellement de nos équipements.
Je sais que nous avons des clients très exigeants. Mais, lorsque vous regardez au niveau des indicateurs techniques, on voit déjà quelques améliorations. Mais je dirais que tous les clients ne sont pas encore satisfaits, parce qu’en fonction des quartiers, il peut y avoir des problèmes particuliers que nous allons régler.
Nous ne sommes aussi qu’à la première phase de ce travail. Parce qu’une fois qu’on a modernisé les équipements, il y a beaucoup d’optimisation à faire. Il y a eu des endroits où on peut avoir des problèmes particuliers, des bâtiments qui empêchent la propagation du signal. On a des problèmes et nous avons une deuxième phase qui va permettre d’optimiser encore mieux le réseau et de fournir une qualité de service vraiment impeccable pour nos clients. Quand je dis impeccable, c’est peut-être aussi, je dirais, un grand mot en tenant compte des exigences de nos clients qui deviennent de plus en plus importantes et aussi en tenant compte des facteurs externes qui ne dépendent pas que de nous.
Parce que, malheureusement, quand on parle du réseau, en réalité, c’est une imbrication de plusieurs acteurs. C’est vrai que les opérateurs sont en frontline en face du client, mais on a beaucoup d’autres acteurs qui interviennent dans la chaîne. On a beaucoup d’autres infrastructures qui interviennent dans la chaîne. Et ces infrastructures ne dépendent pas toujours de nous.
Digital Business Africa : Le DG de l’ART a récemment évoqué les problèmes d’énergie électrique comme l’une des causes de la mauvaise qualité de service. C’est bien cela ?
Dr Patrick BENON : Voilà. Il y a des problèmes d’énergie électrique qui nous impactent. Le week-end dernier, c’était un exemple. Samedi dernier, on a eu, je dirais, une interruption massive d’électricité qui a impacté plusieurs grandes villes du pays. Donc, évidemment, on a également été impacté, parce qu’on a eu des équipements de secours, donc des groupes électrogènes, des batteries, etc.
Mais seulement, lorsque la coupure dure trop longtemps, on arrive à des situations où même les équipements de secours ne prennent plus le relais. Et à ce moment-là, on a des sites qui s’arrêtent de fonctionner, ce qui impacte la qualité du service. Donc l’énergie, c’est un des facteurs externes qui nous impacte. On a également la question de la fibre optique qui nous impacte fortement.
La fibre optique n’est pas sous le contrôle d’Orange. On dépend d’un autre opérateur qui gère la fibre optique et aujourd’hui, il est vrai qu’on a une dégradation de la qualité de la fibre optique. Donc, tous les efforts qu’on fait par ailleurs peuvent être fortement impactés ou même anéantis par le fait qu’on a une fibre optique qui n’est pas stable. Parce que, d’un point de vue pratique, quand on dit réseau mobile, c’est vrai que pour le client c’est l’opérateur mobile, mais pour nous, ce sont des équipements qui sont connectés les uns aux autres et la meilleure façon de les connecter les uns aux autres, c’est la fibre optique.
Donc, lorsqu’il y a une coupure de la fibre optique, on a également des services qui sont arrêtés ou qui sont perturbés. C’est un problème. Les autorités publiques sont informées. Les autorités nous ont demandé de faire déjà des efforts en interne. Donc, nous faisons tout ce qu’on peut faire pour améliorer la qualité des services. Et ils ont pris bonne note des autres facteurs sur lesquels ils vont intervenir également.
Donc, il est important de souligner que nous sommes fortement tributaires d’infrastructures qui ne sont pas sous notre contrôle, en particulier la fibre optique. Nos efforts de modernisation et d’amélioration de la qualité de service sont fortement fragilisés par la dégradation de la disponibilité de la fibre. Et ce point peut devenir le talon d’Achille des télécommunications au Cameroun et anéantir l’impact des efforts qui sont faits par ailleurs.
Nous avons néanmoins pris bonne note des directives qui ont été données et des efforts seront faits pour que, en ce qui nous concerne en tout cas, on puisse faire vraiment le maximum pour améliorer la qualité du service.
D’ailleurs, si vous utilisez le réseau Orange, je vous le conseille vivement, mesurez la vitesse.
Digital Business Africa : Avec Speedtest ?
Dr Patrick BENON : Absolument. Avec Speedtest test. Vous pouvez faire un Speedtest et vous verrez.
Digital Business Africa : Est-ce que le résultat ne va pas dépendre du lieu ? Car je suis ici dans le bureau du DG d’Orange Cameroun.
Dr Patrick BENON : Je l’ai fait à cet endroit, mais également à d’autres endroits et j’obtiens à peu près les mêmes chiffres. (Le DG sort son smartphone qu’il me présente, effectue un test en direct et le résultat montre 112 Mbps, NDLR). Vous voyez, là, je vois 100, 100, 100, 112 Mbps en téléchargement.
J’ai fait ce test dans beaucoup d’autres endroits et j’ai le même résultat. Je l’ai même fait du bureau de certaines autorités publiques que je ne vais pas citer ici. Pour leur montrer qu’effectivement, nous avons eu une amélioration de la qualité du service. Maintenant, et évidemment, on a ce débit-là lorsque tout va bien ; lorsqu’on n’a pas de coupure de fibre optique ; lorsque les sites sont bien fonctionnels. Et justement, c’est pour cela qu’aujourd’hui l’instabilité de tous ces facteurs externes nous impacte également dans la qualité du service.
Digital Business Africa : La ministre des Postes et Télécommunications a tout récemment indiqué quelques chiffres des investissements des opérateurs télécoms du pays pour l’amélioration de la qualité de service. Et là, j’ai constaté que Orange avait le chiffre le plus important. Elle a parlé de 38 milliards de francs CFA d’investissements pour l’année 2023. Alors, il s’agissait de quoi comme investissements ? Et quel est le montant des investissements que vous envisagez pour cette année 2024, afin que la qualité de service soit davantage meilleure ?
Dr Patrick BENON : Tout à fait. Ce que je peux dire, c’est que nous avons investi essentiellement dans les réseaux d’accès. Justement, ce programme de modernisation dont j’ai parlé consiste à renforcer nos équipements radio sur l’ensemble du territoire national. C’est essentiellement cela comme investissement.
Je ne vais pas me lancer dans tous les chiffres. Mais, je peux vous rassurer sur le fait que nous allons augmenter les montants de nos investissements année après année. Donc, en 2024, nous allons investir plus qu’en 2023. Et en 2025, on va investir plus qu’en 2024.
Digital Business Africa : Avant de continuer avec les sujets de Cameroun, parlons un peu de vous. Vous êtes ingénieur des télécommunications diplômé de l’École nationale supérieure des télécommunications de Paris (Télécom Paris) et docteur en Informatique et Réseaux de télécommunications de la même prestigieuse école. En regardant votre parcours, on est vraiment frappé par votre très longévité au poste de Directeur général. Cela fait plus de 17 ans que vous occupez cette position sans discontinuer. Vous avez déjà une dimension continentale, puisque vous avez dirigé des opérateurs en Afrique de l’Ouest, en Afrique centrale et en Afrique australe. Quelle est votre recette pour cette longévité au top management ?
Dr Patrick BENON : Je suis effectivement directeur général de grandes sociétés de télécommunications depuis le 30 juin 2007, date à laquelle j’ai été nommé à la tête de Bénin Télécoms, l’opérateur historique du Bénin. Après quatre ans à cette position, j’ai rejoint le Groupe Orange, avec comme premier poste, celui de directeur général d’Orange Centrafrique. Ensuite, j’ai rejoint Orange Botswana comme directeur général en décembre 2014. Après presque sept ans à cette position, j’ai été nommé directeur général d’Orange Cameroun en septembre 2021. Poste que j’occupe jusqu’à présent.
Je suis reconnaissant aux dirigeants du Groupe Orange, aux conseils d’administration et aux autorités des pays qui m’ont fait confiance pour mes différentes nominations.
Je pense que ma longévité vient essentiellement des bons résultats obtenus dans les sociétés que j’ai dirigées. Ces résultats ont en effet été plutôt très bons sur le plan opérationnel (croissance de revenus, de profitabilité, de parts de marché, etc.), mais aussi en termes de développement des équipes locales et de support apporté aux communautés et aux tissus économiques des pays où j’ai exercé.
Digital Business Africa : Les chiffres de vos réalisations à la tête de ces sociétés sont impressionnants. Notamment les changements de tendances dès que vous prenez la tête d’une société. Par exemple, lorsque vous êtes nommé à la tête d’Orange Centrafrique en juillet 2021, cette dernière était en décroissance de revenus et dernière du marché. Quand vous partiez en novembre 2014, la même société était en forte croissance de plus de 40 % et était deuxième du marché, avant de passer numéro 1 quelques années après votre départ. La même chose s’est reproduite chez Orange Botswana, que vous avez pris en décroissance, et qui est passée à plus de 20 % de croissance quand vous partiez en 2021, avant de devenir numéro 1 du marché également quelques années après votre départ. Un scénario similaire semble se reproduire chez Orange Cameroun, qui a vu sa croissance bondir, sous votre direction, à plus de 18 % au premier semestre 2024 et une prise du leadership du marché dans plusieurs segments, si on en croit les chiffres publiés par les groupes présents au Cameroun. Quelle est votre recette pour obtenir de tels résultats et pour être un tel « serial transformer » ?
Dr Patrick BENON : La recette du succès a toujours été la même en ce qui me concerne : coconstruire une forte stratégie avec mes équipes, responsabiliser ces dernières pour la mise en œuvre et faire un suivi serré des plans d’actions définis ensemble.
Au Cameroun, trois mois après mon arrivée, j’ai coconstruit avec mes équipes notre plan stratégique dont l’acronyme est REPERES. Ce plan a clairement défini nos priorités stratégiques qui sont portées par chacune des lettres de REPERES : R comme Relais de croissance, E comme Expérience client, P comme People, E comme Efficiency, R comme Resilience, E comme Environnement/Social et S comme Sécurité.
Ces priorités stratégiques ont été déclinées en objectifs stratégiques accompagnés d’indicateurs de performance mesurables et très précis. Nous avons ensuite constitué des équipes projet, que nous appelons en interne des « batailles », pour définir et mettre en œuvre les plans d’actions devant nous conduire à l’atteinte des objectifs stratégiques. Avec les membres du Comité de Direction qui sponsorisent les batailles rattachées à leurs activités, je participe personnellement aux réunions d’avancement des projets, ce qui nous permet d’en accélérer l’exécution.
Aussi, il est primordial que la réussite de l’entreprise ne soit pas qu’opérationnelle, mais surtout, pour qu’elle soit durable, il faut que la réussite soit partagée et ressentie par le client, par le personnel et par les communautés à travers des programmes RSE (Responsabilité Sociétale de l’Entreprise).
Digital Business Africa : Pour vous, la réussite doit être ressentie et partagée par le personnel. Concrètement, comment vous en assurez-vous ?
Dr Patrick BENON : La gestion des questions qui touchent au personnel revêt une importance capitale dans notre plan stratégique REPERES, c’est la priorité P comme People. Nous en avons fait une bataille pour être sûr que les plans d’actions sont bien exécutés, avec une stricte mesure des indicateurs de performance.
Notre principal indicateur ici est le eNPS (Employee Net Promoter Score) qui nous permet de mesurer la satisfaction du personnel et les impacts de nos actions. En deux ans, de mi-2022 à mi-2024, nous sommes passés d’un score négatif de -25 à un score positif de +30, ce qui montre que l’appréciation des salariés s’est fortement améliorée.
Nous faisons régulièrement des sondages auprès des salariés afin d’identifier les points de douleurs pour lesquels nous définissons des plans d’actions. Nos plans actuels touchent plusieurs domaines comme : la reconnaissance, le bien-être au travail, l’efficacité et la performance, la carrière et le développement, la diversité/inclusion/diversité.
Digital Business Africa : Vous avez évoqué plus haut l’importance de la RSE sur le positionnement de votre société, pouvez-vous nous en dire plus sur vos actions et comment vous impactez les communautés au Cameroun ?
Dr Patrick BENON : La RSE est fondamentale pour le développement durable de notre entreprise, qui doit être en parfaite harmonie avec les milieux dans lesquels elle opère. Aussi, en tant qu’Africain, je suis pleinement conscient du poids que représentent les opérateurs de télécommunications dans les économies de nos pays, et du rôle extrêmement important de catalyseur de développement que nous devons jouer.
Pour le Cameroun, nous avons deux principaux piliers pour mettre en œuvre nos actions sociales : l’Orange Digital Center (ODC) et la Fondation Orange Cameroun.
L’ODC est à la fois un centre de formation, un accélérateur de startups high-tech et un point d’entrée dans un réseau de talents high tech pour les Africains.
Nous avons inauguré notre premier ODC au Cameroun en octobre 2021. Compte tenu de l’importance capitale de cette infrastructure pour soutenir les jeunes et les startups dans le domaine du numérique, j’ai décidé avec le comité de direction d’Orange Cameroun, de mettre en place un ODC dans chacune des 10 régions du Cameroun.
C’est avec grand plaisir que je vous annonce qu’en 2024, nous arrivons déjà à mi-parcours de notre ambition avec l’ouverture d’un ODC dans 5 des 10 régions du Cameroun. En effet, après notre premier ODC inauguré à Douala (Région du Littoral), nous avons construit des ODC à Yaoundé (Région du Centre), à Buea (Région du Sud-Ouest), à Ngaoundéré (Région de l’Adamaoua) et à Dschang (Région de l’Ouest).
Notre Fondation Orange Cameroun est très active pour soutenir les populations les plus démunies et l’autonomisation des femmes. C’est ainsi que nous avons déployé quatre grands programmes au Cameroun :
- Les villages Oranges qui consistent à construire ou réhabiliter une école, un centre de santé et un point d’eau dans chacun des villages sélectionnés.
- Les écoles numériques qui consistent à doter des écoles d’équipements numériques (tablettes, serveurs, contenus numériques, etc.) pour initier les écoliers au numérique dès leur plus jeune âge.
- Les maisons digitales qui consistent à doter les centres d’accompagnement de femmes d’équipements numériques (ordinateurs, tablettes, formations, etc.) pour favoriser l’autonomisation des femmes.
- Les actions solidarité pour venir en aide aux populations les plus défavorisées et également en cas de catastrophes.
Enfin, nous encourageons fortement nos salariés à prendre part personnellement aux actions RSE de la société. Nous avons lancé récemment le programme « Engage for Change » qui permet à chaque salarié d’avoir trois jours de congés pour se consacrer au soutien des actions RSE de l’entreprise.
Digital Business Africa : Votre mandat actuel à la tête d’Orange Cameroun est également marqué par la filialisation d’Orange Money Cameroun, qui est une entreprise dédiée aux services financiers mobiles d’Orange. Quelles sont les raisons de cette transformation ?
Dr Patrick BENON : La filialisation des services financiers mobiles répond d’abord aux contraintes réglementaires qui rendent nécessaire la séparation de ce pan d’activité.
C’est avec une très grande fierté qu’Orange Money Cameroun a été le premier établissement de paiement agréé au Cameroun. Nous avons pour cela dû faire deux transferts d’activités : de la Banque partenaire qui faisait l’émission de la monnaie électronique vers Orange Money Cameroun, puis d’Orange Cameroun vers Orange Money Cameroun. Cela a été un processus particulièrement long et complexe. Je voudrais ici féliciter nos équipes qui ont travaillé sur ce projet et qui ont pu le mener à terme.
Digital Business Africa : Le 24 novembre 2023, en présence de Cristel Heydemann, directrice générale du Groupe Orange, vous avez procédé au lancement africain de votre application Maxit. Où en êtes-vous aujourd’hui ?
Dr Patrick BENON : Nous avons été très honorés chez Orange Cameroun d’avoir été choisis pour accueillir le lancement africain de Maxit en présence de la directrice générale du Groupe Orange et du directeur général d’Orange Afrique et Moyen-Orient. Cet événement a été le début d’une histoire qui, on l’espère, marquera un jalon important dans le développement du digital en Afrique.
À date, la super application Maxit est déjà opérationnelle dans huit pays africains et compte plus de 12 millions de clients actifs, dont plus de 2,7 millions de clients au Cameroun.
Avec Maxit Cameroun, nous avons réussi à réunir dans une seule et unique application, trois univers clés permettant une meilleure expérience des clients :
- L’ensemble des services télécommunications d’Orange Cameroun, de façon totalement digitalisée à travers une interface user friendly ;
- L’univers dédié aux services financiers d’Orange Money Cameroun de façon totalement sécurisée et ergonomique ;
- Une marketplace qui est un nouvel univers innovant et permettant de fournir de nouveaux services comme la billetterie électronique, des contenus exclusifs de divertissement, d’information ainsi que des services permettant d’accompagner les clients au quotidien en capitalisant sur des partenariats sur plusieurs verticales comme l’agriculture, l’éducation, la santé, etc.
Nous avons réussi à positionner nos services de billetterie électronique qui permettent de s’affranchir des billets d’accès physiques lors des événements en gérant l’accès à travers un pass électronique envoyé dans le smartphone du client qui est validable grâce à un QR code. Cette fonctionnalité est désormais largement utilisée dans plusieurs grands évènements au Cameroun comme les matchs officiels de football, les concerts, etc.
Digital Business Africa : À l’heure où nous avons des bouleversements mondiaux avec l’avènement de l’intelligence artificielle générative, la 5G, la Big Data, comment voyez-vous l’avenir de l’Afrique ?
Dr Patrick BENON : Nous sommes à la croisée des chemins et nous devons nous assurer que l’Afrique tire pleinement profit des rapides changements qui sont en cours. La révolution numérique en cours représente la quatrième révolution industrielle et je suis convaincu que les Africains ont la possibilité et le devoir d’en être pleinement acteurs, sachant que les trois précédentes se sont déroulées sans l’Afrique et cela a accentué le retard de notre continent au niveau mondial.
Lors de la première révolution industrielle démarrée à la fin du 18e siècle, l’invention de la machine à vapeur et l’extraction massive de charbon ont permis de mécaniser la production et de développer les réseaux ferroviaires. La seconde révolution industrielle, démarrée à la fin du 19e siècle avec l’invention du moteur à explosion ainsi que l’arrivée de l’électricité, du gaz et du pétrole, a permis de créer la production de masse. La troisième révolution industrielle, démarrée à la fin du 20e siècle avec l’avènement du nucléaire et de l’électronique, va permettre la miniaturisation et l’automatisation de la production.
La quatrième révolution que nous sommes en train de vivre est celle du numérique, avec plusieurs vagues comme la connectivité Internet très haut débit, le smartphone, les réseaux sociaux, la Big Data, l’intelligence artificielle. Personne ne peut encore à ce jour en prédire la portée et l’impact exact. Mais, tous les signaux montrent déjà que cette dernière révolution bouleversera nos vies encore plus que les trois premières.
Nous devons prendre conscience que nous sommes à un moment charnière de notre histoire et nous donner toutes les chances d’être acteur de cette révolution et non simplement de la subir. Le développement récent des télécommunications en Afrique montre que nous pouvons être pionniers en technologie.
En effet, l’exemple de l’essor des services financiers mobiles qui est d’abord un succès africain démontre qu’en matière de technologie, l’Afrique peut être en avance sur les autres continents.
L’intelligence artificielle a besoin de la Big Data et de la connectivité haut débit pour fonctionner. Les technologies que vous avez citées sont liées et vont profondément impacter la productivité des individus, des entreprises et des pays. Il est primordial que tous les acteurs (gouvernements, entreprises, etc.) comprennent les enjeux et définissent les plans de transformation qui permettront à l’Afrique et aux Africains d’en tirer profit et d’être compétitifs.
Digital Business Africa : Concernant la 5G, y a-t-il déjà à votre niveau, ici à Orange Cameroun, des tests pour son implémentation et quelles sont les différentes exigences réglementaires, car j’ai suivi certains opérateurs se plaindre de la difficulté qu’il y a au niveau de la régulation ?
Dr Patrick BENON : Tout à fait. Bon, sur la 5G, ce qu’on peut dire, c’est qu’aujourd’hui, avec la modernisation que nous sommes en train de faire, on aura des équipements qui seront prêts à faire la 5G. On aura des équipements prêts à faire la 5G. Mais, pour faire la 5G, il y a des exigences réglementaires et techniques. La principale, c’est d’avoir déjà l’autorisation du régulateur de le faire, d’avoir les fréquences pour le faire. Parce que pour la 5G, il faut des fréquences bien particulières.
Aujourd’hui, ces autorisations ne sont pas encore disponibles et il n’y a pas encore de licence 5G. Maintenant, en ce qui concerne les exigences techniques, la principale, c’est la transmission. Parce qu’il faut bien savoir qu’en matière de télécommunications, avoir des équipements radio qui sont très puissants, c’est bien. Mais, il faut pouvoir transmettre le signal. Transmettre le signal de cet équipement radio vers le cœur de réseau qui va acheminer les informations sur le réseau Internet.
Digital Business Africa : Nous avons appris que vous avez été présélectionné pour le prestigieux award « CXO of the Year » de l’Africatech festival organisé chaque année à Cape Town en Afrique du Sud. J’imagine que c’est déjà une fierté pour vous…
Dr Patrick BENON : Je suis très honoré d’avoir été nominé pour le prix CXO of the Year du festival Africatech qui récompense les leaders exceptionnels en Afrique et leurs contributions exceptionnelles à la construction d’équipes, à l’établissement de nouvelles normes et à la réalisation d’une vision claire dans un paysage commercial en évolution rapide.
C’est un prix qui est en effet prestigieux et qui est le point culminant de la cérémonie d’Awards qui regroupe, lors d’une soirée, les leaders mondiaux de la technologie, les entrepreneurs, les responsables des politiques publiques et les médias qui façonnent la transformation numérique de l’Afrique.
Les quatre autres personnes qui ont été présélectionnées ont de beaux parcours et de belles réalisations. Il reviendra au public à travers les votes et au jury constitué d’experts de choisir le meilleur pour cette année.
Digital Business Africa : Après 17 ans de management de haut niveau dans le secteur concurrentiel des télécommunications, qu’est-ce qui vous motive chaque matin ?
Dr Patrick BENON : Chaque matin, j’ai à cœur de donner aux collaborateurs et aux partenaires qui m’entourent les moyens de penser et de développer des innovations pertinentes pour nos pays, en phase avec les meilleurs standards internationaux. Je suis un afro-optimiste et la conviction d’aider à l’épanouissement de nos populations et au développement de notre continent me motive tous les jours.
Digital Business Africa : Merci, Monsieur le directeur général, d’avoir accordé cet entretien à Digital Business Africa. Nous osons croire que ce ne sera pas le dernier.
Dr Patrick BENON : Merci à vous et bravo pour le travail que vous faites. Nos portes vous seront toujours ouvertes.
Entretien mené par Beaugas-Orain DJOYUM